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« Cypher », le nouveau projet de Ridha Telili : Quand le corps s’exprime…

Nous l’avons connu réalisateur et cinéaste qui s’inscrit dans une vision citoyenne de l’art. Son outil, le cinéma, a porté à l’écran les préoccupations des gens qui souffrent et offre à travers des débats la parole à ceux qui n’en ont jamais eu. Son projet s’avère plus ambitieux, il embrasse de nouvelles pistes et explore l’humain par d’autres voies. « Cypher » représente son actualité, un spectacle de danse-performance qui questionne le corps, la mémoire, la revanche et l’histoire.  Avec Ilyès Gharbi, Mohamed-Ali Benneji, Tarek Bouallagui, Ghazi Chebbi, Hassen Omri.

Dans le cadre d’une résidence artistique sous la houlette de l’Art Rue, le projet « Cypher » s’écrit en danse présenté par les danseurs et autour de leur vécu à travers la projection des images et des vidéos d’archives.

D’abord, il y a eu des ateliers et des stages. Un travail sur la voix et le corps, des projections et des débats. Le projet est monté au fil de répétitions et exercices qui ont eu lieu à Sidi Bouzid. Ces mêmes danseurs ont suivi aussi une initiation à l’image, au son et au montage et puis une formation technique pour devenir, eux-mêmes, régisseurs, assistants, « vidéo makers » de leurs propres spectacles. Tout un laboratoire se met en place pour une forme inédite du spectacle.

L’imaginaire et la créativité se sont exprimés à travers la danse. Le corps parle et raconte des histoires. « Cypher » ne voit pas le danseur en tant que corps dansant, mais en tant qu’entité porteuse de sa propre histoire, de son vécu et de son passé.

C’est l’histoire d’une mémoire qui croise le chemin du corps avec ses aptitudes et ses handicaps. Elle voit les limites du temps se dissiper. Entre l’espace physique et l’espace mental, se trouve tout un univers, celui des rêves de ce groupe de jeunes venant de Sidi Bouzid, aspirant l’infini.

La performance consiste en une création artistique rassemblant cinq break-danseurs. Elle est accompagnée d’une projection images et vidéo qui défile pendant la danse. La projection se compose de deux volets ; une projection des images d’archives qui constituent la mémoire personnelle des danseurs (la ville, les souvenirs et événements qui les ont marqués) et d’une seconde vidéo filmée à l’inverse, une manière de remonter le temps pour puiser dans une mémoire qui les rassemble. Les danseurs sont une illustration des mouvements et un lieu de mémoire.

Ridha Telili ne se détache pas de ses outils cinématographiques, il les met au service du projet, jouant sur l’axe du temps et la temporalité de l’œuvre. Les spectateurs et les interprètes, quel que soit l’espace qui les unis, transhument dans un flash-back qui revient au point de départ. «Cypher» opère un voyage dans le temps du début à la fin et de la fin vers le début suivant un axe temporel amovible.

Du corps à la mémoire du corps

Un groupe de jeunes danseurs de break dance se retrouvent sur un chemin dur et périlleux. Tiraillés entre la vie qu’ils mènent et les rêves qu’ils aspirent à réaliser, ils se battent pour trouver dans l’art un refuge. Leur quotidien est teinté de noirceur et dominé par la violence. Mais leur énergie est débordante. Dans un espace dépourvu de vie culturelle, face à la déscolarisation et à la précarité, deux possibilités s’offrent à eux : l’univers de la drogue, de l’alcool et de l’immigration clandestine où la culture hip-hop s’exprime en graffiti, break dance et le DJing. Le break dance est l’expression d’une jeunesse refusant de se résigner à ce réel assassin, mais aussi un moyen de sublimation de toute la violence qu’ elle encaisse. En un mot : une revanche sur une existence qui l’opprime

Ridha Telili se laisse guider par le rythme de ces jeunes et celui de la ville exprimé par le corps et par la musique. Les mouvements d’un corps qui ne cesse d’expérimenter ses limites physiques, parfois dangereuses et irréversibles. Chaque mouvement physique est associé à un mouvement mental. Un danseur doit affronter sa peur dans chaque mouvement et relève le défi de faire de son corps une œuvre éphémère.

Pour Ridha Telili, «Cypher» vient dans la continuité d’une recherche déjà entamée et d’un questionnement relatif à l’espace, au corps et au temps. 

 

ASMA DRISSI

Equipe de rédaction, La Presse

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