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« Band’Age » d’Amel Laouini à El Teatro : Un mal à l’âme scénique

Amel Laouini, metteuse en scène, et deux de ses chorégraphes acolytes, Sarra Mokaddem et Kais Boulares, se sont emparés de la scène afin de présenter leur spectacle « Band’Age ». Crédit photo : Mahmoud Saidi
Lors d’un spectacle fermé où seule une poignée d’invités étaient conviés à cause des mesures anticovid-19 imposées, Amel Laouini, metteuse en scène, et deux de ses chorégraphes acolytes, Sarra Mokaddem et Kais Boulares, se sont emparés de la scène afin de présenter « Band’Age », laissant une liberté entière aux mouvements et aux corps de crier colère, espoir, détresse.   

En ces temps d’incertitude, les mots s’effacent, se perdent pour exprimer le désarroi des artistes, la précarité de leur situation, leur inquiétude, frustration et désespoir face à des autorités qui se murent dans le silence. Des gens de la scène qui usent alors de leur art afin de faire parvenir leurs ressentis. Dans « Band’Age », ce sont les corps qui s’acharnent, dénonçant répétitions sous pression, coulisses pesantes, quiproquos, prises de tête, ras-le- bol, incohérence, le tout  dans un espace artistique déserté par son public et occupé seulement par ces artistes débordant de créativité mais rongés par les questionnements, frustrés, dans des lieux désormais clos, isolés du grand public.

La danse est langage, souvent pas facile à déchiffrer, fourrée de symboles  inaccessibles sur le moment. La danse laisse place à l’interprétation, permet au spectateur de chercher un fil conducteur. La danse, c’est laisser les corps raconter une histoire, envoyer des messages, de bout en bout. La danse et le  corps donnent vie à un langage souvent difficilement saisissable mais qui en dit davantage que les mots. Un bandage / ou « Band’Age », titre du spectacle, peut servir à couvrir ou soigner les plaies, à fermer les bouches, à ligoter mains et pieds. Le bandage fait référence à des blessures, des séquelles physiques ou morales, celles des chorégraphes violentés par les hauts et les bas de la vie et de son quotidien. Ils sont souffrants, voulant s’exprimer. Des artistes qui cogitent, qui se cherchent, qui sont tourmentés, et qui voudraient se fixer des repères. « Band’Age »  fait référence au trio de chorégraphes, qui nous ont plongés  en tant que spectateurs, derrière la scène et ont pu  nous introduire dans les coulisses de leur spectacle, avant sa présentation finale. Le spectateur a pu partager avec eux leurs aléas, leurs tourments, leurs altercations, et parfois même leurs échanges verbaux.

Amel Laouini, Kais Atrous et Sarah Mokaddem entraînent le public de bout en bout dans un tourbillon de mouvements : attractif, énigmatique, curieux et offrent une chorégraphie fourrée de sens et de réflexions. Des répétitions souvent interrompues par la présence d’un homme en costard / cravate qui les rappelle à l’ordre via ses avertissements collés sur le mur de l’établissement : menacé de fermeture pour non-payement. Un homme par sa présence physique en dit long sur ce qu’il représente : la bureaucratie, l’Etat, le manque de moyens, les obstacles, la précarité, peut-être même la morale.

A travers « Band’Age » et ses corps, ce trio d’artistes tente de s’adresser aux autorités autrement. Mis en scène par Amel Laouini et dirigé artistiquement par Laous Ibrahim, « Band’Age » est doté d’une scénographie réalisée par Sabri Atrous. La musique est de Marouen Mernisi. Images et vidéos de Ghassen Kacem. Des représentations pour le grand public sont programmées ultérieurement.

Crédit photo : Mahmoud Saidi

HAITHEM HAOUEL

Equipe de rédaction, La Presse

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